Faisant un retour sur son grand texte Orientalism (L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, 1978) et sur les nombreux commentaires qu’il a suscités, Edward W. Said écrit : « Loin de défendre les Arabes ou l’Islam – comme beaucoup l’ont cru en lisant mon livre –, ma thèse est qu’aucune de ces deux entités n’a jamais existé autrement qu’en tant que “communauté d’interprétation” et que, comme le terme d’Orient lui-même, chaque désignation représente des intérêts, des revendications, des projets, des ambitions et des rhétoriques qui, à l’époque, étaient non seulement violemment opposés, mais aussi inscrits dans une situation de guerre déclarée » (Réflexions sur l’exil et autres essais [Reflections on Exile], trad. Charlotte Woillez, Actes Sud, 2008). Par ailleurs, Edward W. Said pose les questions essentielles dans un monde dit globalisé et cosmopolite. Que signifie être exilé, déplacé, vivre entre plusieurs mondes ? Comment l’Occident se représente-t-il le monde arabo-musulman ? Comment combattre l’idée du « choc des civilisations » ? Il souligne également la spécificité du rapport au monde des très nombreux artistes expatriés ou exilés qui, du fait de leur expérience du déplacement, ont contribué à la critique de l’eurocentrisme et à la déconstruction des processus d’essentialisation de l’identité ou de la culture : « Ces épreuves engendrent une urgence, pour ne pas dire une précarité de la vision et une fragilité de l’énoncé, qui rend l’usage du langage bien plus intéressant et provisoire qu’il ne l’aurait été autrement » (Ibid.).