Le mot « idéologie » et plus encore l’adjectif qui en découle ont sans doute perdu de leur sens à trop se frotter au discours médiatique, aussi propose-t-on de définir l’idéologie comme système d’idées, comme vision du monde. Pour interroger la place de l’idéologie – ou plutôt des idéologies – dans le genre spécifique du roman contemporain pour la jeunesse, on retiendra aussi bien le « roman- miroir » de type réaliste que les dystopies, si nombreuses aujourd’hui dans les littératures de l’imaginaire : quelle(s) société(s) y sont idéalisées, critiquées, transformées, voire subverties ? La mise à jour de thématiques récurrentes ou innovantes, mais toujours frappées au coin des idéologies, ouvre la voie à l’étude des discours qui les portent. A la suite de travaux qui ont fait date – Philippe Hamon, Vincent Jouve, Dominique Viart –, on cherchera dans le roman pour la jeunesse la possibilité d’une « poétique des valeurs ».
En ce début du XXIe siècle, peut-on trouver en ce domaine ces « fictions critiques » définies comme des textes où « le discours met en crise la pensée » ? Au moment où l’actualité politique replace l’enseignement de la morale sur le devant de la scène, la réflexion menée par le colloque s’ouvre à la didactique de la littérature. Alors que la littérature de jeunesse sert (trop) souvent de support à l’éducation civique et aux débats philosophiques, on se demandera dans quelle mesure la portée idéologique des œuvres littéraires étudiées en classe est prise en compte et de quelle façon. Faut-il voir dans le roman contemporain pour la jeunesse le lieu de l’engagement et du militantisme de certains auteurs et éditeurs — relayés, à leur insu, par les enseignants —, au risque d’une littérature porteuse d’une idéologie unifiée, consensuelle et «droits-de-l’hommiste» ? Ou au contraire, faut-il lire à l’école ces romans comme une chambre d’échos où résonnent des voix singulières, susceptibles d’aider à mieux penser et comprendre le monde ?
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