Le colloque est organisé dans le cadre de l’axe de recherche « Francophonie et droits humains » du CEREFREA et a comme objectif de réfléchir sur les productions littéraires issues des pandémies à travers le temps.
« Le remède contre tout mal, c’est le récit. Les hommes ont toujours su que le récit était la panacée universelle. Nous ne vivons pas vraiment un événement, quel qu’il soit, avant de l’avoir raconté, ni avant d’avoir lu les récits qui nous permettent de le raconter. A chacun de nous de trouver les romans, films ou séries qui l’aideront à vivre ce qu’il est en train de vivre, c’est-à-dire à le mettre en mots. Et à en parler aux enfants. » (Antoine Compagnon, « La littérature face aux pandémies » )
Littérature comme échappatoire. Littérature comme tableau de la société. Littérature comme document socio-historique, rappel des autres et aux autres. Ces syntagmes sont depuis longtemps entrés dans le discours sur la littérature. En ce temps où l’on parle beaucoup d’incertitude, de peur, de changement, d’adaptation, de défaite ou de victoire, ces mots semblent recouvrir plus que jamais tous leurs sens et ouvrent même des pistes encore peu explorées.
À l’époque du coronavirus, on a vu les ventes de La Peste de Camus exploser. C’est sans doute la plus connue œuvre littéraire qui traite d’un épisode d’épidémie (bien que l’allégorie soit là aussi), mais elle n’est pas pour autant la seule. Le Décaméron de Boccace et L’Amour aux temps du choléra de Marquez en sont des exemples tout aussi célèbres. Le public s’est spontanément dirigé vers des œuvres qui racontent des événements similaires à ce qu’il vit au quotidien ou, au contraire, vers des histoires incroyables.
Des questions se posent. Est-ce que la réception de ces œuvres a subi des mutations ? Le confinement nous oblige à changer nos habitudes de vie, à nous adapter à de nouvelles conditions, il est légitime de nous demander s’il y a une « lecture de confinement » inspirée par la pandémie.
De l’autre part de l’échiquier littéraire, la production littéraire se fait le miroir de la société pour raconter les événements ou, souvent, pour en faire des allégories. Ecrire le quotidien, (d)écrire le confinement, écrire la pandémie. Ecrire pour soi, sur soi, privilégier donc une écriture autobiographique qui tient du journal intime ? Ecrire sur soi, mais pour le monde, se donner comme exemple et se diriger donc vers les mémoires ? Ecrire sur la société et pour le monde et vouloir laisser un document socio-historique ? On considère d’ailleurs souvent que les écrivain-e-s seraient habitué-e-s au confinement, à l’isolement, à la solitude. Evidemment, ce n’est pas tout à fait vrai, car cela dépend de l’auteur-e et de ses habitudes d’écriture.
On se pose aussi la question si cette réflexion issue du confinement donne une littérature de l’urgence, si elle est due à une écriture d’urgence et vouée à une lecture d’urgence. La littérature du confinement n’est pas chose nouvelle, sauf que les nouvelles technologies viennent s’immiscer dans ce tableau et changent les données : autant celles de l’écriture qui se transforme selon les règles des médias sociaux, que celles de la lecture qui s’adapte autant aux nouveaux supports qu’aux nouvelles formes de littérature. Il serait important d’étudier ces processus d’adaptation, la publication de textes brefs sur des réseaux sociaux (même la lecture à haute voix pour certains auteurs), les réactions du public (immédiates et spontanées), l’éphémère qui semble d’emblée régir autant l’écriture que la lecture.
C’est une équivoque qui ne fait que placer les œuvres littéraires dans un champ disciplinaire qui dépasse de beaucoup les études littéraires à proprement parler et qui laisse s’introduire des questions de psychologie individuelle et sociale, de sociologie, d’anthropologie, d’histoire et d’histoire culturelle.
Ayant pour objet les œuvres de l’espace méditerranéen, les communications pourront répondre aux réflexions énoncées ci-dessus ou aller vers d’autres questionnements sans pour autant s’éloigner de la production issue des ou en liaison avec les pandémies.